Dans “À la recherche du film idéal”, j’ai installé une bulle de tournage au sein du bistrot du foyer La Planésié, et ce durant trois semaines. Se fixer à un endroit me semblait pouvoir permettre d’interrompre les trajets des pensionnaires entre activités et repas, d’être identifiable/identifié et de créer un point de fixation, un en-dehors. Quelques draps accrochés autour d’un dispositif de miroir-caméra, et voici installée une sorte de « cabane documentaire » visant à extraire chacun.e de son quotidien et à se rencontrer devant la caméra.
Avec ce dispositif, j’ai cherché à explorer l’identité humaine à travers donc le prisme unique du miroir. Un dispositif visuel simple mais puissant : chaque participant est invité à se confronter à son propre reflet, sans artifice ni filtre. À travers cette expérience visuelle directe, je capture les réactions, et les émotions des individus face à leur propre image.
Ce dispositif visuel minimaliste m’a permis de créer un espace intime et introspectif où les sujets se sont retrouvés confrontés à leur propre essence. Dans cette confrontation avec leur propre reflet, j’ai cherché à évoquer les multiples facettes de l’identité humaine : les complexités de l’estime de soi, les luttes internes, les perceptions de soi-même. Le tout au moyen de jeux simples, de grimaces et de conversations à bâton rompus.
De la personne découvrant son image pour la première fois à d’autres, confrontés à la difficulté de dire (et aux moyens mis alors en œuvre pour la contourner), chaque réaction devant le miroir offre un instant de vérité âpre. Parfois drôle. Au-delà de l’aspect individuel, “À la recherche du film idéal” explore également la possibilité d’un dialogue au-delà du langage, de par les diverses interactions avec ma présence.
Au montage, en juxtaposant les réactions des participants, j’ai essayé d’évoquer autant la possibilité que l’impossibilité du lien. Avec l’idée que la confrontation avec notre propre reflet peut être à la fois un acte solitaire et une expérience partagée.
Complété par des projections nocturnes sur les bâtiments visant à irriguer une approche cinématographique contemplative, l’idée est d’accompagner le spectateur dans un voyage introspectif où les frontières entre l’individu et le collectif s’estompent progressivement. Une perspective où se croisent réflexion, empathie et compréhension mutuelle. Un espace où le simple acte de se regarder dans le miroir permet d’évoquer en creux la nudité de l’âme humaine, et ce au-delà des différences.
Mathieu KIEFER, février 2024