Cinq séquences (une ou plusieurs au choix) sont proposées ci-après à l’analyse des élèves.
—
SÉQUENCE D’OUVERTURE (de 0’10 à 8’50)
Cette séquence d’ouverture pose en quelques minutes toutes les thématiques du film dans son ensemble.
0’00 : un générique réduit à l’essentiel, sans musique.
Il n’y a pas de début d’histoire. Le spectateur est plongé sans crier gare au beau milieu d’une scène : un enfant cherche à joindre son père au téléphone ; il est probablement dans un centre éducatif. La voix virtuelle le rappelle à la réalité : « Le numéro que vous avez composé n’est pas attribué. »
Le vélo constitue d’emblée l’élément réel destiné à symboliser, à matérialiser la présence du père.
2’37 : quelques mesures de Beethoven ponctueront la scène, pas plus.
3’20 : l’enfant est déjà en fuite, en quête perpétuelle : les nombreuses portes, barrières ou grillages ne l’empêchent pas de courir, mais l’horizon est perpétuellement bouché : pas de ciel mais des barres d’immeubles qui aboutissent à un portail fermé avec interphone muet. Autre voix qui prend le relais : celle du concierge qui, face à l’entêtement du garçon, finit par lui raccrocher au nez.
5’45 : par un subterfuge, Cyril parvient tout de même à entrer : il a contacté la maison médicale. Une voix de femme l’accueille, préfigurant Samantha, la femme inconnue qu’il va rencontrer là-bas et qui finira par l’accueillir dans sa vie. Escaliers, couloirs et porte fermée. Il frappe, tambourine, « Papa, Papa ! », pas de réponse. Le voisin sort sur le palier, lui explique que plus personne n’habite ici. Son père est parti.
Poursuivi par ses éducateurs, le gamin se réfugie au centre médical et entre, comme par effraction, dans la vie de Samantha : il l’enlace en la serrant trop fort ; l’image ressemble à une Pietà inversée. Elle a mal mais ne se débat pas, l’accepte, ce qui annonce là encore leur relation à venir.
8’08 : 2ème tentative : cette fois on l’accompagne jusqu’à l’appartement, on ouvre la porte d’entrée, lui se charge d’ouvrir les portes intérieures. Elles aboutissent toutes à des pièces vides. L’horizon : plus bouché que jamais, comme autant de culs-de-sac dont il va falloir s’extraire. Le surcadrage augmente cette sensation d’enfermement.
Cyril cherche son père : malgré la succession d’évidences (ligne téléphonique coupée, éducateurs, concierge, voisin, appartement vide…), Cyril ne veut pas concevoir le fait qu’il ait pu être abandonné par un père lâche. Il est dans le déni de la réalité. Et, pour ne pas avoir à affronter cette réalité, il fuit, il court, le corps sans cesse en mouvement…
—
SÉQUENCE “LE PÈRE, LA NON-RENCONTRE” (de 27’39 à 34’16)
Voir la fiche de photogrammes et propositions de lecture Le père : la non-rencontre (à visionner en ligne ou télécharger au format pdf ci-après)
Voir dossier # 200 p. 14-15 (télécharger au format pdf ci-après)
Voir DVD – bonus : « Restaurant » (de 0′ à 4’46).
—
SÉQUENCE “WES, LE PÈRE DE SUBSTITUTION” (de 42’03 à 47’05)
Après une rixe ayant pour objet le vélo, Wes prend Cyril sous son aile : le vélo devient le passage de témoin symbolique de la figure paternelle. En le raccompagnant, Wes s’intéresse à Cyril et prend soin de lui (poussière dans l’œil) en se baissant (il se met à son niveau). Il lui propose de jouer à la PS3. Ancien du centre éducatif, il a lui aussi eu des parents défaillants et présentement, sa grand-mère est tombée du lit tandis que son grand-père est au bistrot. Cette rencontre avec Wes fait assurément grand bien à Cyril d’un point de vue affectif.
Pourtant, l’on devine déjà les problèmes à venir, la mauvaise fréquentation en train de se tisser : Wes lui propose une cigarette, une bière, le pousse à mentir à Samantha, lui assure qu’il n’est pas dealer (il lui enlève la poussière avec une feuille pour faire un joint) et commence à le manipuler en le commandant gentiment. Il lui apprend à être un délinquant (ici par le jeu vidéo, plus tard par les répétitions de l’agression) mais il lui transmet ainsi quelque chose, ce que son père lui refusait (dans la cuisine, ce dernier avait repris les cuillères de la main de son fils qui voulait l’aider).
Comment les élèves perçoivent-ils Wes ? Cette séquence est doublement intéressante à analyser : pour le film lui-même, mais aussi en tant que projection d’une réalité possible pour l’élève. L’expérience malheureuse de Cyril qui n’a su voir en Wes que le bon côté pourrait ouvrir les yeux d’un élève dans une situation similaire.
—
SÉQUENCE “L’AGRESSION”
Voir DVD – bonus (making-of de la scène) : « L’attaque du libraire » (4’30).
—
SÉQUENCE “L’ADOPTION” (de 1h06’30 à 1h08’30)
(Après l’agression du libraire, abandonné par Wes puis à nouveau par son père – qui tous deux refusent d’endosser toute responsabilité – et après une course à pied et en tramway, Cyril roule à vélo chez Samantha, dont il avait fui le domicile malgré ses protestations pour rejoindre Wes. C’est cette fois après l’amour d’une mère qu’il se met à courir)
Il se retrouve, comme souvent, devant une porte fermée. Lorsque Samantha lui ouvre, il n’entre pas : il aurait l’opportunité d’entrer, mais n’ose plus le faire. C’est elle qui sort.
Samantha semble épuisée (des cernes, le pas traînant, une petite voix), mais elle ne se dérobe pas devant les événements au contraire : elle va l’accompagner à la gendarmerie pour assumer le méfait commis. Lui se soumet à son autorité pourtant toute douce, comme une évidence. Il demande pardon. Il revient comme un fils prodigue : « Je voudrais venir habiter chez toi. Tout le temps. »
Ils s’entre-regardent. Et elle : « Embrasse-moi. »
Pas d’effusion, pas de pathos dans cette scène. Mais c’est bien ici que Samantha adopte Cyril. Ils partent dans la même direction.
Peu après, surviendra la scène de l’affiche qui entrera en résonance avec celle-ci, nous donnant enfin à voir cette idée de bonheur familial.
Voir DVD – bonus (making-of de la scène) : « Le bois » (de 0’ à 4’00).
—