“L’enfant d’en haut”, la réalisation

LE SCÉNARIO

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A partir d’un fait divers, elle a l’idée qu’un enfant vole des skis dans une station de sports d’hiver.

C’est un milieu qu’elle connaît bien. Pour le film, elle a suivi le travail de la police dans une station de ski afin de s’immerger dans l’envers du décor.

“Le rêve du petit Michel”, Megève 1936, de Robert Doisneau série Les Alpes

Cette photo est déterminante pour Ursula Meier et l’a beaucoup inspirée pour le film. Elle fait partie d’une série de photos peu connue de Robert Doisneau, qui privilégie habituellement le milieu urbain.

« En revoyant cette photo, j’ai compris qu’elle contenait tout le film. »

Quoi qu’il fasse, Simon reste avant tout à ses yeux un enfant (qui malgré sa situation ne renonce pas à ses rêves.)

L’enfance nue, Maurice Piala, 1968

Ce film est une référence majeure pour la réalisatrice. On y suit François, un jeune garçon confié à une famille d’accueil. C’est un enfant insaisissable qui passe de l’affection à la violence, du calme au déchainement.

La réalisatrice retiendra qu’un enfant difficile est un enfant qui souffre, un enfant de contradictions, animé d’une colère légitime.

LES THÈMES

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Ursula Meier fait de la famille son motif de prédilection : elle met en scène les failles de la structure familiale, interroge les rapports familiaux et leurs névroses ancrés dans des enjeux de territoires.

On y retrouve souvent une mère défaillante dans une cellule familiale dysfonctionnelle.

Home (2008)

Au milieu d’une campagne calme et désertique, s’étend à perte de vue une autoroute vide 2X2 voies au bitume encore immaculé, inactive depuis sa construction il y a déjà quelques années. Tout au bord, à quelques mètres seulement des barrières de sécurité, se trouve, isolée, une maison avec un petit jardin.

Dans cette maison vit une famille. C’est le début de l’été et l’autoroute va être mise en circulation. Dans un bruit de plus en plus infernal et ininterrompu, la famille perd ses repères, son équilibre fragile, et finit par se replier sur elle-même en se marginalisant et en sombrant peu à peu dans la folie…

La ligne (2023)

Margaret, 35 ans, agresse violemment sa mère sous les yeux de sa petite soeur Marion.

Arrêtée par la police après cette violente dispute, la jeune femme est contrainte de respecter une mesure d’éloignement de 100 mètres autour de la maison familiale, matérialisée par une ligne, en attendant d’être jugée. “Enfermée dehors”, Margaret n’aura de cesse de se faire pardonner son acte.

Pour le rôle de Marion, sœur cadette de la famille, Ursula Meier, découvreuse de talents (Kacey Mottet-Klein dans “Home”), a déniché, lors d’un casting une jeune actrice Elli Spagnolo, véritable révélation de ce film.

Elle joue aux côtés Stéphanie Blanchoud (sa sœur Margaret dans le film), une jeune femme adulte pleine de colère et de fragilité, de Valéria Bruni-Tedeschi dans le rôle de la mère défaillante et humiliante et de Benjamin Biolay, dans celui de l’ex de Margaret.

Elle incarne un personnage-clé et pivot de cette histoire. C’est elle qui dessine au sol cette “ligne de démarcation” et qui s’en fait la gardienne, tout en restant tiraillée entre sa mère et sa sœur.

La ligne permet à Ursula Meier de continuer à développer ses thèmes de prédilection, comme les relations familiales dysfonctionnelles, film dans laquelle la violence est déclinée au féminin, les frontières visibles et invisibles, les territoires. Le film laisse par ailleurs une place importante à la musique qui offre un contrepoint à la violence et permet de créer ou recréer du lien entre les personnages.

LE TITRE

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Elle aime bien jouer avec les titres. Elle a réalisé un téléfilm pour Arte : Les épaules solides, qui est l’histoire d’une jeune athlète qui pousse son corps à bout. Elle se rend compte qu’elle n’est pas si solide que ça. Le titre est la vision que le personnage a de lui-même.

Simon, enfant d’en bas, s’invente une vie dans le monde d’en haut, monde auquel il voudrait appartenir.  

LE TRAVAIL AVEC LES ACTEURS

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Dans ses films, elle mêle les acteurs reconnus avec des novices.

Pour Home, Isabelle Huppert et Olivier Gourmet jouent aux côtés de Kacey Mottet-Klein, un enfant qui n’est pas encore acteur, une vraie révélation pour Ursula Meier.

Travailler avec un enfant, c’est travailler avec une page blanche, un travail sur le corps, sur la parole…

Dans L’enfant d’en haut, elle écrit un premier rôle pour lui, aux côtés de Léa Seydoux et

de Gillian Anderson, la mère de famille anglaise. Il a 12 ans. Ursula Meier aime cet âge-là, à la sortie de l’enfance et à la porte de l’adolescence, elle aime filmer cet âge entre deux, très important pour le film.

LES LIEUX

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Dès l’origine du projet, il y a une alchimie entre le fond et la forme. Les lieux ne sont pas de simples décors mais sont porteurs de l’histoire.

Le film est ancré dans une topographie dont elle utilise ses lignes de force.

C’est un film vertical (à la différence de Home qui était un film horizontal). Ce qui relie le haut et le bas est cette petite télécabine : c’est elle qui va tendre le film, qui lui donne son rythme comme une pulsation. 

Au début, beaucoup de lieux, de décors : elle a fait un gros travail d’écriture, a élagué, éliminé, nettoyé pour garder cette ligne, cette tension, cette colonne vertébrale du film.

LA MISE EN SCÈNE

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Le film L’enfant d’en haut semble libre mais il est en réalité d’une très grande rigueur. Elle a travaillé en partenariat avec sa chef opératrice Agnès Godard, notamment sur les couleurs et la lumière.

Elles ont également travaillé l’économie et la concision : un cadre doit raconter une chose (réfléchir au hors-champ, à ce qu’on met dans le cadre ou non).

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