“Parvana, une enfance en Afghanistan”, analyser une séquence

La liberté éprouvée [00:23:49 – 00:25:17] 

Voir Dossier # 276  p. 16-17 et Fiche élève # 276

Parvana, ayant pris l’apparence d’un garçon (cheveux courts, bonnet de prière, tunique de son frère et pantalon), se rend au marché pour acheter des provisions. C’est la seule solution pour subvenir aux besoins de sa famille.

Cette séquence se déroule toujours à hauteur d’enfant.

Quels sont les différents moments de cette séquence ? Observer les angles de prise de vue, le cadrage.

(Dans « Vocabulaire du cinéma », site de Média-Tarn voir Échelle de la grosseur des plans , Angles de prise de vue, Caméra subjective).

● 1ère partie : L’angoisse

Les 1ers plans de la séquence traduisent les sensations et émotions ressenties par la fillette déguisée en garçon. Elle pénètre dans un monde d’hommes. Ses perceptions sont d’abord auditives : vacarme composé de bruits de conversations, de harangues des marchands, de cris d’animaux. Elle, elle est silencieuse. Elle fait tout pour ne pas se faire remarquer, baisse les yeux comme à l’accoutumée, est à l’affût du moindre regard qui pourrait la démasquer.

Travelling de la caméra, cadre à la taille. Les hommes adultes sont perçus de sa hauteur.

Le cadrage qui exclut leur visage les déshumanise : ils deviennent des créatures sombres, fantomatiques, sentiment d’enfermement.

Toujours importance des sons qui traduisent l’angoisse de Parvana : caquètements et bruissements d’ailes d’une poule, son mat du hachoir d’un morceau de viande sur le billot. Parvana ferme les yeux.

Agression visuelle du plan sur le boucher borgne et ensanglanté, entouré de carcasses.

Plan de Parvana de face avec le billot et la lame du hachoir :

Insiste sur la peur de la mort de Parvana elle-même.

Agression tactile : Parvana est bousculée par un individu.

Plan de Parvana au centre, dominée par la silhouette de l’inconnu : confirme cette sensation de danger qu’elle court.

L’absence d’attention et de considération a valeur d’encouragement : Parvana est devenu un garçon ordinaire et insignifiant.

La profondeur de champ montrant la vie du marché qui suit son court est rassurante : personne de la remarque, elle va pouvoir commencer ses achats. (Contrairement à sa 1ère visite au marché où personne n’avait voulu la servir et où elle avait dû s’enfuir.

● 2ème partie : l’intégration

Cette 2ème partie = basculement.

Parvana prend peu à peu conscience de son invisibilité et va pouvoir assumer sa nouvelle identité.

Elle opte pour un lieu clos, plus rassurant que les travées du marché où le danger peut surgir à tout moment.

Le plan de l’extérieur de la boutique souligne le regard de Parvana. Comme le spectateur, elle est tentée par les couleurs éclatantes de l’étalage des fruits et légumes, qui contrastent avec la dominante ocre de l’image. Hésitation de l’héroïne.

Plan subjectif : le spectateur découvre en même temps que Parvana ce qui se passe à l’intérieur de la boutique. On se rend compte que c’est le même magasin où elle avait tenté d’entrer la fois précédente.

Importance de la bande-son : atmosphère détendue, rires, plaisanteries…

Personne ne la remarque, elle se fait bousculer. Le marchand l’invite à entrer. Sa posture timide et hésitante lui vaut les moqueries du marchand. Le trébuchement de la fillette est révélateur : valeur symbolique. Elle a de la difficulté à franchir le pas physiquement mais aussi mentalement : elle a du mal avec cette usurpation d’identité. = élément burlesque qui introduit la suite de la séquence. Elle va être la risée du marchand et de ses clients. Plutôt que de la renforcer dans son malaise, les moqueries des hommes prouvent que son travestissement est réussi et qu’en tant que garçon elle est acceptée dans ce milieu d’hommes.

Son comportement évolue : après le malaise initial révélé par le champ/contre-champ, contre-plongée du marchand/plongée du visage de Parvana révélant son intimidation, incapable de formuler sa demande, maintenant : ravissement, bonheur. Elle ne fait pas cas des rires environnants et focalise son regard sur ce qu’elle va pouvoir acheter. Victoire de pouvoir déposer des billets sur le comptoir, jeu de lumière sur son visage. La musique joyeuse progressive et en off au moment où elle paie renforce la joie qu’elle ressent. Elle regagne la rue toute contente : sa course anime le plan fixe de l’extérieur de la boutique et contraste avec l’immobilité ou la lenteur des passants.

Cette séquence est l’une des rares à montrer le quotidien d’un Kaboul sans violence où règne une relative liberté pour les hommes. Elle constitue l’un des seuls moments heureux de ce film.

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