● L’adaptation du Best-seller éponyme de l’auteure Deborah Ellis (2001)
Deborah Ellis est une autrice canadienne spécialisée dans la littérature d’enfance et de jeunesse. Militante pour la non-violence dès l’âge de dix-sept ans, Deborah Ellis rejoint la ville de Toronto après ses études de lycée, afin de travailler dans un mouvement pour la Paix. Plus tard, elle s’investit dans un mouvement en faveur de l’égalité des femmes. Mais son engagement le plus fort est politique.
Deborah Ellis est profondément antimilitariste. Les droits de son roman seront intégralement reversés à « Wyman for Oman » in Afghanistan, une association qui apporte son soutien à l’éducation des jeunes filles afghanes dans les camps de réfugiés au Pakistan.
Grande voyageuse, elle s’inspire des rencontres qu’elle a pu faire à travers le monde. En 1997, elle se rend au Pakistan et mène des entretiens avec des Afghanes vivant dans des camps de réfugiés. Ce sont les transcriptions de ces entretiens qui constitueront le matériau de base de la fiction de son 1er livre Parvana, une enfance en Afghanistan (2001). Son succès donnera lieu à plusieurs suites :
Le voyage de Parvana (2002), On se reverra Parvana (2003), Je m’appelle Parvana (2011)
Cette série va être traduite en plusieurs langues et sera acclamée dans le monde entier.
C’est le 1er volume de la série qui va servir de base au scénario du film écrit par Anita Doron.
● Principales différences entre le film et le livre
Dans le roman le père rentre seul chez lui, contrairement au film dans lequel sa fille Parvana se met en quête de le ramener à la maison.
Dans le roman, Parvana n’a pas de grand frère décédé : ce qui rajoute du pathos au film.
L’ajout du récit de la légende de Soliman raconté par l’héroïne. Le film possède un statut de fable qui n’existe pas dans le roman d’origine.
● Comparaison entre la rencontre avec le taliban Razaq dans le livre et dans le film
Voir planche de photogrammes Razaq et Parvana en téléchargement ci-après.
Extrait du livre (p. 86-87)
« Parvana resta silencieuse. Le taliban ne disait rien non plus, il restait là assis à côté d’elle.
“Est-ce que vous aimeriez que je vous la lise une seconde fois ?” proposa-t-elle.
Il secoua la tête et tendit la main pour reprendre la lettre. Parvana la replia et la lui rendit. Les mains de l’homme tremblaient quand il la rangea dans l’enveloppe.
Elle vit une larme couler sur sa joue et glisser sur sa barbe.
“Ma femme est morte,” dit-il. “J’ai trouvé ça dans ses affaires. Je voulais savoir ce qu’il y avait dedans.” Il resta assis, muet durant quelques minutes, la lettre à la main.
“Est-ce que vous voulez que j’écrive une réponse ?” demanda Parvana, qui se souvenait de la façon dont son père procédait.
Le taliban soupira, puis secoua une nouvelle fois la tête en signe de refus.
“Combien est-ce que je te dois ?”
“Vous donnez ce que vous voulez”, dit Parvana.
C’est aussi cela que faisait son père. Le client sortit quelques pièces de sa poche et les lui tendit. Sans prononcer un mot, il se leva et s’éloigna. Parvana mit du temps à reprendre son souffle et à se détendre. Jusqu’à présent, pour elle, les talibans étaient des hommes qui battaient les femmes et arrêtaient les autres hommes : c’est tout ce qu’elle les avait vus faire… Ainsi, ils pouvaient avoir des sentiments, du chagrin, comme n’importe quel être humain ? […] »
– Le contenu de la lettre est différent, dans le livre, Razaq sait déjà que sa femme est morte. La lettre est celle de la tante de sa femme qui lui écrit d’Allemagne pour s’excuser de ne pas avoir pu venir à son mariage et qui lui envoie ses vœux. p. 85-86
– Le roman met en avant l’introspection de la jeune fille, en transcrivant ses pensées comme une petite voix intérieure.
L’adaptation filmique aurait pu transposer ce procédé en introduisant une voix-off, ou bien verbaliser les sentiments de Parvana dans un dialogue a postériori avec un autre protagoniste, comme Shazia par exemple.
Il n’en est rien. Le film préfère laisser au spectateur le soin de développer sa propre réflexion par lui-même à partir de l’observation des différentes situations. Pour cela, Nwora Twomey a travaillé le son : les inflexions dans les voix des personnages qui traduisent leurs émotions ainsi que les bruits retraçant l’ambiance du lieu (comme pour le marché par exemple).
De plus, elle joue avec la structure du scénario. En effet, la rencontre avec le taliban Razaq est déclinée sur plusieurs séquences dans le film :
● 1ère séquence au début du film : entrevue avec les talibans Razaq et Idriss / Parvana et son père.
● 2ème séquence : Parvana lui lit la lettre qui lui apprend que sa femme est morte.
● 3ème séquence : le taliban revient pour la payer.
● 4ème séquence : Rasaq essaie d’écrire le nom de sa femme défunte et montre son écrit à Parvana.
Le morcellement de la séquence modifie le rapport du spectateur au personnage du taliban Razaq, permet d’accentuer son humanité et préfigure le rôle essentiel qu’il va avoir à la fin du récit puisque c’est grâce à lui que Parvana va réussir à retrouver et à ramener son père, au péril de sa vie. (Il se fait tirer dessus). Il devient un des personnages principaux du film.
La fragmentation est donc bien l’un des principes essentiels de l’adaptation du roman de Déborah Ellis.
Le livre de Déborah Ellis date de 2001, tandis que le film est de 2018. Il relate un contexte historique datant de 17 ans : une reconstitution historique a été nécessaire, fondée sur des témoignages.